Prise en charge du VIH-sida
Le Sénégal s’approche du satisfécit
Le Sénégal est en passe d’éliminer la transmission mère enfant du Vih Sida dans certaines localités du Sénégal. Si le district de Mbao a pu le réussir d’autres sont sur la bonne voie. Sur la prise en charge du traitement, c’est le district d’Oussouye dans la région du Sénégal qui se positionne. Des progrès qui font dire à la secrétaire exécutive du conseil national du Sida (Cnls)Dr Safiétou Thiam : « ensemble, nous pouvons vaincre le Sida ». Dans la dynamique d’être au rendez-vous de 2030, le Sénégal a aussi tenu cette année, ses journées scientifiques Sida. Un moment de réflexion pour corriger et dégager des perspectives afin de booster la réponse.
Le Sida est toujours présent au Sénégal. Plus de 2000 porteurs du virus non encore identifiés sont dans la population. Ils sont le plus souvent identifiés chez les adolescents, les enfants et les adultes. Chez la population générale, ce sont aussi ces derniers qui demeurent réticents au dépistage du Vih-sida malgré la sensibilisation de leurs pairs. Une situation qui rend difficile la prise en charge. Pour Amadou Ndiaye, laborantin de formation : « dans nos laboratoires, nous recevons rarement des demandes de dépistage volontaire du Vih Sida dans les structures de santé. La demande nous vient des maternités ou le dépistage des femmes enceintes est obligatoire ». Une sortie qui renseigne sur la mentalité des patients ou encore un manque de formation des prestataires de santé dans la sensibilisation des malades pour un dépistage volontaire précoce.
Dans les hôpitaux, il est très rare de voir un médecin demander à son patient d’aller se faire dépister du Vih, lui expliquer l’importance de cette pratique. Les médecins ou les infirmiers dans les structures de santé se limitent seulement aux plaintes du patient. Aujourd’hui, si on peut justifier le refus de se faire dépister du Vih par la peur d’en avoir ou d’être stigmatisé, pour d’autres, c’est par ignorance de l’existence de la maladie ou encore de l’inaccessibilité aux soins.
Les enfants, le grand défi
Le Sénégal est en passe d’atteindre le premier 95 qui s’agit de dépister 95% de la population infectée. Selon le professeur Cheikh Tidiane Ndour de la division de lutte contre le Sida, le Sénégal est à 93%. Toutefois, il a renseigné : « si on affine, on se rend compte que cet objectif est atteint chez les adultes où on est à 98% ».
Dans cette lutte contre le fléau, ce sont les enfants qui paient le lourd tribut puisse que sur 4000 enfants porteurs du Virus seuls 2000 sont connus, soit un taux de dépistage réussi de 42%. Pour le conseil national de lutte contre le Sida (Cnls), le focus est mis sur la prise en charge pédiatrique et la lutte contre la transmission mère enfant. Si les régions de Fatick et Kaolack ont porté le combat du traitement pédiatrique avec l’introduction d’une nouvelle molécule et l’implication des femmes porteuses du virus sur les campagnes de détections des cas, le district de Mbao, s’est lui, fait remarquer par l’éradication de la transmission mère-enfant. Pour Docteur Safiétou Thiam : « si le district de Mbao a pu éradiquer la transmission mère-enfant, les autres peuvent aussi le faire et c’est ainsi seulement que nous pouvons faire reculer la maladie ». Et d’appeler les acteurs : « à s’impliquer davantage dans la lutte contre le Vih afin d’être au rendez-vous de 2030 ». Par rapport à la prévention de la transmission mère enfant des goulots d’étranglement identifiés en particulier ont trait à des contraintes organisationnelles, la mise sous ARV des enfants est encore faible avec des cas de rupture d’arv qui ont été soulevés par des chercheurs, l’insuffisance des formations des sage-femmes mais également la prévention de la transmission mère-enfant qui doit être renforcée. Toutefois, il faut renseigner que certaines femmes continuent à faire l’allaitement maternelle, facteur de contamination. Pour résoudre ce problème, des acteurs de la lutte ont donc recommandé d’orienter la réponse vers les communautés, d’aller vers le niveau opérationnel et de renforcer la communication pour le personnel soignant pour une continuité de la prise en charge.
Des journées scientifiques pour lutter contre la maladie
Le conseil national de lutte contre le Sida (Cnls)a tenu ses journées scientifiques du sida du 1er au 3 novembre dernier au centre de conférence du président Abdou Diouf dans la localité de Diamniado sur le thème « le sida en contexte de Covid19 et maladies émergentes, quelles stratégies pour réduire les inégalités ». 3ème édition du genre, les acteurs ont été à la recherche de solutions résilientes pour réduire les inégalités. Les tables rondes ont porté sur la suppression de la charge virale chez les patients co-infectés VIH-VHB sous traitement dans la cohorte SEN-B (septembre 2019-novembre 2021) au Sénégal. En effet, la co-infection VIH-VHB demeure un problème de santé publique majeur en Afrique Subsaharienne. Au Sénégal la prévalence de cette co-infection est de 3,2%. Afin d’évaluer les bénéfices et les risques liés au traitement de cette infection, la mise en place d’études observationnelles au Sénégal constitue une urgence de santé publique. Ce qui a valu la naissance du projet SEN-B dans lequel les patients infectés par le VIH et VHB sont suivis au CTA et SMIT de Fann. Pour ce qui est des résultats, sur 111 patients inclus, 59 sont de sexe féminin soit un sexe ratio Homme/femme de 1,13. A travers cette étude, il a été démontré l’efficacité de la mise sous traitement précoce des patients co-infectés sous un TAR contenant du TDF afin de leur assurer une bonne prise en charge clinique et d’éviter les complications liées au VHB.
La stigmatisation, un facteur aggravant de la prise en charge
Une autre thématique a porté sur la recrudescence de la stigmatisation et de la discrimination dans les structures d’offre de services, présentée par le Dr Ibrahima Ba. Selon ce dernier, il est parti du constat qu’en Afrique et en particulier au Sénégal, la recrudescence de la stigmatisation et de la discrimination entrainée par la persistance d’un contexte socio-culturel difficile selon diverses études, influe fortement sur leurs accès aux services de préventions et de prise en charge du VIH. Toujours sur les présentations, le Dr Abdoulaye Diallo du Centre Régional de recherche et de formation à la prise en charge clinique de Fann (CRCF) et ses collègues ont mis l’accent sur « la bisexualité masculine au Sénégal, entre stratégie de dissimulation et orientation sexuelle assumée, enjeux liés au VIH ». Partant du constat que dans notre pays, en 2021, les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) sont victimes de stigmatisation, de violences et de poursuites pénales. Une situation qui les a contraints à se cacher. Une situation qui a fait grimper la prévalence sur cette frange de la société à 27% versus 0,3% dans la population générale.
Ainsi une étude anthropologique menée de 2019 à 2021 à Dakar, auprès de 38 HSH âgés de 19 à 45 ans a montré qu’il est rare de voir des personnes qui ont des relations exclusivement homosexuelles. La plupart d’eux ont aussi des copines et d’autres sont même mariés. De l’avis des chercheurs du CRCF, les HSH séropositifs dévoilent rarement leur statut sérologique dans leur famille ou avec leurs partenaires masculins ou féminins. Une situation qui fera dire au Dr Abdoulaye Diallo, « il est nécessaire d’adapter le dispositif sanitaire et social, écoute, appui à l’observance thérapeutique afin de prendre en compte la possibilité d’une bisexualité qui n’est pas nécessairement dévoilée et d’accompagner ainsi les personnes dans la diversité de leurs aspirations. »
Prise en charge sérologique
Par rapport au dépistage VIH et suivi virologique des présentations ont été faites sur des auto tests mais aussi sur l’intérêt de l’utilisation des technologies de l’information et de la communication qui sont devenues incontournables pour aider à la décentralisation et l’atteinte du premier 95 chez les enfants mais également sur la charge virale. Des données ont été partagées sur les profils génétiques de mutation et de modification des souches mais également des idées de recherche avec la mise en place de systèmes de recherches. Sur la prise en charge des adultes et des personnes âgées, les résultats obtenus ont montré que l’échec virologique des patients en premier et deuxième ligne était encore présent. Des taux d’échec confirmés de 4 % à Fann. Par ailleurs, le projet « vieillir » est revenu sur les maladies qui touchent les personnes âgées vivant avec le VIH. Une étude réalisée au Cameroun et au Sénégal a montré que l’hypertension et le diabète étaient surtout retrouvés chez ces victimes d’où l’intérêt de renforcer la sensibilisation sur les mesures.
LES JEUNES S’ENGAGENT DANS LA LUTTE…
Occupant une large part dans la lutte contre le VIH au Sénégal, les jeunes à travers la « convergence des jeunes », ont marqué ces journées scientifiques. Au total quatre sessions ont permis à plus de 200 jeunes venus d’horizon divers d’échanger sur la thématique. Les panels ont porté entre autres sur le VIH et les nouvelles formes d’information et de communication avec les opportunités et avantages que leur utilisation pourrait offrir aux jeunes. Mais aussi sur la vulnérabilité des jeunes par rapport à leur santé sexuelle et reproductive, de l’employabilité des jeunes et des violences basées sur le genre chez les jeunes et les enfants. Les discussions ont également porté sur l’impact des pandémies sur la santé mentale des jeunes et la campagne de mobilisation des ressources pour les enfants qui vivent avec le VIH. In fine, des recommandations ont été faites à l’endroit des décideurs. Il s’agit entre autres d’améliorer les relations entre adultes et jeunes. Ces jeunes vivants avec le VIH, ne demandent qu’à être écoutés pour mieux communiquer. Aussi, ils souhaitent être accompagnés dans la recherche de partenariats avec toutes les personnes qui utilisent les nouvelles technologies de l’information et de la communication, telle que la presse, les séries télévisées. Poursuivant toujours leurs doléances, ces jeunes ont émis le souhait de soutenir les campagnes de communication de masse, l’amélioration de l’accès au service de la santé sexuelle et reproductive pour les jeunes qui continuent d’être stigmatisé par peur du tabou et de la moralisation des prestataires de santé. Ils souhaitent aussi qu’on revoie les lois et dispositions qui entravent la protection des jeunes qui ne répondent plus aux besoins des jeunes. Pour eux, il ne s’agit pas de refaire les lois mais juste de les adapter aux besoins et exigences de l’heure. Ainsi, ils demandent à être associés dans la sensibilisation et la prise en charge et à être intégré dans la politique publique. Pour faciliter l’accès au financement et soutenir l’accès au travail des jeunes, leur scolarisation et l’accès à la formation. Pour la convergence des jeunes, il est important de lever le tabou sur la santé mentale des jeunes et mettre à disposition des psychologues dans les espaces jeunes et les centres de santé.
Aissatou Diop