Dr. Maimouna Diakité Diop : L’étoile de la pharmacie et militante engagée
PROFIL – Edition n°5 – Janvier 2021
DR MAIMOUNA DIAKITE DIOP
PHARMACIENNE
L’ETOILE DE LA PHARMACIE
Présente dans le milieu de la pharmacie depuis près de 40 ans, Maïmouna Diakité a été révélée au grand public par le « Mayité le dictionnaire du médicament ». Son officine est située près du Lycée Limamoulaye de Guédiawaye en banlieue dakaroise et en porte le même nom. Sénégalaise d’origine malienne, elle a su par son professionnalisme et son abnégation dans le travail, gagner le respect de la jeune génération et faire la fierté de ses pairs.
Si le courage et l’abnégation pouvaient avoir un nom, ils porteraient celui de Maïmouna Diakité. Cette Sénégalo-malienne aux vertus très rares dans une société en pleine mutation, porte en bandoulière la constance, la persévérance, la franchise. Bref, tant de qualités humaines que lui confèrent ses pairs. Décrite par ses amies comme une personne empathique qui veut toujours donner le meilleur d’elle-même, « Maïmouna a toujours été une excellente élève, a en croire le Dr Kani Bathily, son amie d’enfance depuis l’âge de 12 ans. « Maimouna est quelqu’un de très constant et fidèle en amitié. Elle est sérieuse. »
Elle est aussi présentée par sa compagne de toujours comme une femme déterminée et honnête, autant dans la vie de tous les jours que dans son milieu professionnel. Des témoignages qui trouvent leur fondement dans les nombreuses distinctions dont elle ne parle pas comme son passage à l’ordre des pharmaciens et son militantisme dans le syndicat qui font d’elle une patriote qui a toujours été au front pour l’amélioration des conditions de travail des pharmaciens, sa décoration dans l’Ordre du lion.
Des défauts, Maïmouna n’en possède pas ! C’est du moins l‘avis de son amie d’enfance qui voit en elle une personne constante dans ses relations. « Elle n’a pas changé ! Après plus de 50 ans de compagnonnage, j’ai toujours l’impression de parler à la Maïmouna d’avant. Je ne lui connais pas de défaut », renchérit-elle. A l’entente de ce mot, beaucoup penseraient à un surnom de femme. Même si l’idée y est, Mayité est la contraction de son prénom (Maïmouna) et de son nom de famille (Diakité). Plus qu’une appellation, le Mayité est devenu aujourd’hui un outil de travail pour ses pairs du Sénégal et du monde entier à travers son outil d’élaboration disponible sur le net.
Maïmouna s’explique sur l’idée qui lui est venue après la dévaluation du franc Cfa qui avait désemparé les travailleurs. « Les autorités ont décidé de collaborer avec la zone sud/sud pour avoir des médicaments moins chers et promouvoir les génériques. Le marché fut ainsi inondé de produits pharmaceutiques, mais il n’y avait aucun document de référence, par rapport à ces produits », a-t-elle fait savoir. Les malades allaient de pharmacie en pharmacie pour s’entendre dire que ce produit n’existe pas, alors qu’on avait à faire à une simple amoxicilline ou un simple paracétamol.
Le Mayité, un joyau pour les pharmaciens
Mais elle n’a pas su se limiter là. Derrière son comptoir, lui est venue une idée. « J’avais un cahier dans lequel j’inscrivais tous les nouveaux médicaments qu’on ne retrouvait pas dans le Vidal et dont on ne connaissait pas la DCI. » Un cahier qui lui a servi de guide, pendant quelques années jusqu’à ce qu’il devienne difficile de faire des recherches ; ce travail fut alors mis sur Excel avec l’aide de mes assistants. Pratiquement, on ne ratait plus aucune vente dans son officine. C’est ainsi qu’elle a pensé mettre ce travail au service des confrères.
Dans sa grande générosité et son désir ardent de toujours rendre service, docteur Maïmouna a décidé d’aller au-delà d’un cahier. Elle a regroupé toutes les informations qu’elle avait jusque-là dans un fascicule en 2007 qu’elle a mis à la disposition de ses confrères. C’était la première édition papier du Mayité, qui en est aujourd’hui à sa cinquième édition. Cette forme papier allait de pair avec la forme numérique sous forme de CD. Ce n’est que beaucoup plus tard qu’une collaboration avec des ingénieurs informaticiens a permis le lancement d’une application numérique sur le Web.
Entretemps, elle est allée faire un DESS au CESAG en gestion des programmes de santé ce qui lui a permis d’avoir les outils nécessaires pour renforcer ce travail.
Mayité a pu entre-autres, étendre sa collaboration avec certains grossistes répartiteurs, tels que Ubipharm, la Pharmacie nationale d’approvisionnement (PNA), l’Agence de la couverture maladie universelle (CMU), le groupe Vidal pour les interactions médicamenteuses, mais aussi des pharmaciens de la sous- région et des éditeurs étrangers tels que la société As-Pharm au Bénin.
Plus qu’une référence dans le domaine du médicament, le Mayité amorce à présent les produits vétérinaires.
Ses difficultés à s’installer à Guédiawaye
Née à Dakar et grandie au Mali, Maïmouna Diakité a fait des études de pharmacie à l’université de Nantes France en 1976, après une première année passée à Dakar où elle est sortie major de sa promotion.
Elle a d’abord travaillé à l’Institut de technologie alimentaire (ITA), en tant que chef de section des fruits et légumes, ensuite assistante à la Pharmacie de Medina où elle a vraiment appris la pharmacie d’officine, puis à la SIPOA, actuel Sanofi Aventis, en tant que pharmacien chef de la fabrication, avant d’ouvrir sa pharmacie.
Installée à Guédiawaye depuis Octobre 1982, son officine est la deuxième pharmacie à ouvrir dans cette partie de la banlieue, dix années après la pharmacie Guédiawaye du Dr Abdou Karim Saffieddine. Des difficultés, elle en a connu à ses débuts. « A l’époque on avait beaucoup d’obstacles pour s’installer parce que les critères de distances étaient trop élevés, 2 km à vol d’oiseau dans la banlieue entre deux officines », narre-t-elle l’air souriante. On parlait déjà de saturation de la capitale, et de poursuivre : « Il n’y avait pas de choix sur l’endroit où s’installer, dans la mesure où, il était fixé par les autorités ». C’était Guédiawaye ou les régions. Elle explique durant cette période, qu’il n’y’avait pas beaucoup de monde à Guédiawaye, même si le besoin d’une officine était là car les gens parcouraient des kilomètres pour s’approvisionner en médicaments.
Après plusieurs rejets de son dossier elle a fini par avoir son autorisation. La première recette était de 40 000 francs CFA, mais elle en était satisfaite, sachant que tout s’obtient au bout de l’effort et avec de la patience. Sa première vente une boîte de lait « Guigoz Vert ». Le bébé « Germaine » est maintenant devenue adulte et est mère de famille. Je ne regrette pas du tout de m’être installée à Guédiawaye, zone où le pharmacien peut jouer pleinement son rôle.
Elle a toujours pensé qu’il ne faut pas être en retrait de la profession, qu’il faut s’impliquer et faire de notre profession ce que nous voulons qu’elle soit, une profession respectée.
C’est ainsi que Maïmouna s’est très vite lancée dans le syndicalisme pour défendre la cause des siens. On s’occupait de beaucoup de choses : on harmonisait les prix entre grossistes, les prix des conditionnés, fournissait aux jeunes qui s’installaient les informations indispensables dont ils avaient besoin, comme les coefficients multiplicateurs, le tarif des préparations magistrales, etc. « On était toujours à l’écoute des pharmaciens, pour essayer de régler les problèmes et on faisait assez souvent des assemblées pour informer les confrères de situations particulières et recueillir leur avis. A l’époque, il y avait beaucoup d’IPM et les confrères avaient du mal à se faire payer entraînant beaucoup de pharmaciens dans les difficultés. Dès que le syndicat en était saisi, un courrier était adressé à l’IPM concernée et au-delà d’un certain délai, elle était bloquée au niveau de toutes les officines. Le résultat était immédiat ! On limitait ainsi les dégâts. Par contre au niveau du marché parallèle, on n’a pas eu beaucoup de résultats malgré notre vigilance et nos protestations constantes sur le sujet », se rappelle le Dr Diakité Diop.
Même si elle se désole que la concurrence malsaine ait fait long feu dans la mesure où Keur Serigne battait son plein à l’époque.
« Par contre on a pu obtenir la fermeture des dépôts pharmaceutiques là où venait s’implanter une officine et également que tout dépôt existant soit approvisionné par une pharmacie de la même zone. Elle rappelle que le syndicat défend les intérêts privés et moraux des pharmaciens. Elle se désole que les pharmaciens du privé ne soient pas toujours bien impliqués dans les programmes de santé publique, pour une meilleure harmonisation. Ce qui permettrait de ne pas ramer parfois à contre-courant. Nous sommes secteur privé certes, mais d’abord agents de santé publique, sous l’autorité du ministère de la santé et de l’action sociale. Nous sommes et nous jouons un rôle important de santé publique. Nous ne cesserons de le revendiquer. »
Son militantisme pour le syndicat, son passage à l’Ordre des pharmaciens
La persévérance en bandoulière, après 10 années passées au syndicat, Maïmouna a ensuite démissionné du syndicat pour postuler à l’ordre national des pharmaciens. Pour rappel, l’Ordre est une institution qui veille au respect de la moralité et la déontologie professionnelle et des relations de confraternité. Là, elle intègre le conseil de section B (secteur privé) de l’institution qui régit l’éthique et la déontologie dans le travail. Elue présidente, elle aura été à la tête de tous les combats, avec l’élaboration d’un manuel de procédures, la classification et l’archivage de tous les documents, la mise à jour du Livre vert (recueil des principaux articles déontologiques), déjà initié par ses prédecesseurs. « Je voudrais en profiter pour leur rendre un hommage mérité. Nous n’avons fait que suivre leur trace, tant elles étaient des modèles. Je veux citer Mme Fall, première présidente de l’Ordre des pharmaciens ; Mme Décupper, présidente du Syndicat des pharmaciens du privé ; Mme Bâ, présidente de l’Association des pharmaciens sénégalais (Apharsen). Elles ont été vraiment les pionnières.
« Pour une meilleure visibilité des zones d’installation des officines, on a même été au niveau des communes pour avoir le nombre d’habitants, au niveau du cadastre pour avoir les plans de Dakar et du Sénégal. Cela nous a permis de pointer toutes les pharmacies existantes, de savoir dans quelles localités il y’a des possibilités d’installation », se félicite Mme Diop. Cela nous permettait aussi d’orienter certains confrères dans le désarroi, car leur dossier n’ayant pas été admis, ils ne savaient plus où s’installer. Les textes en vigueur également obsolètes pour certains d’entre eux, avaient fait l’objet de plusieurs réunions avec les autorités pour leur révision. Notamment les faibles peines encourues par les trafiquants de médicaments avaient été fortement décriées. Il faut aussi retenir la formalisation de l’assistanat obligatoire, par des contrats types faits en collaboration avec le syndicat des pharmaciens dont la présidente était le Dr Annette Seck Ndiaye.
Pour terminer, elle estime que : « Les pharmaciens doivent, pour conserver leur monopole, oser s’investir dans les créneaux qui s’offrent à eux. Personne d’autres que nous ne fera le travail à notre place. »
« L’industrie pharmaceutique, dont on a vu l’importance et l’impérieuse nécessité en cette période de pandémie, l’assistanat obligatoire à partir d’un certain chiffre d’affaires, l’agroalimentaire, les laboratoires d’analyse, la cosmétologie, la parapharmacie, les accessoires médicaux, toutes sortes d’outils qui peuvent aider le pharmacien à rayonner dans son domaine en se rendant incontournable. Il faut dépasser les simples constats et agir. Le pharmacien étant polyvalent, il faut imaginer de nouvelles filières, mais surtout il faut une adéquation formation emploi en rapport avec la capacité d’absorption globale des pharmaciens sur le marché, sinon il y aura toujours des problèmes et le statut du pharmacien se cessera de se dégrader. La pharmacie est en pleine mutation certes, mais je ne pense pas qu’il faille suivre à la lettre les mutations qui s’opèrent en Europe par exemple, Nous avons nos spécificités et le pharmacien africain est encore indispensable. Il joue un grand rôle auprès des populations dans le cadre des conseils, et de l’éducation de masse. »
AISSATOU DIOP