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Beaucoup de choses à parfaire pour un avenir prometteur pour les pharmaciens d’officine

DR CHEIKHOU OUMAR DIA

PHARMACIEN
« JE NE PREDIRAI PAS UN AVENIR SOMBRE POUR LA PROFESSION, MAIS BEAUCOUP DE CHOSES SONT A PARFAIRE »

De l’avis du Docteur Cheikhou Oumar Dia, pharmacien titulaire de la Pharmacie Ceerno Yaal, beaucoup de choses sont à parfaire dans le secteur, en vue d’un avenir prometteur pour les pharmaciens d’officine. Dans cet entretien exclusif accordé à « Médical Actu », l’ancien président de l’Ordre des pharmaciens du Sénégal, sorti de la faculté de médecine, de pharmacie et d’odontostomatologie de l’université Cheikh Anta Diop depuis 1992, passe au peigne fin les maux du secteur pharmaceutique. Non sans livrer aux jeunes la recette pour faire carrière dans ce domaine en pleine mutation.

Pouvez-vous revenir sur votre parcours ?

Après le Bac, j’ai été orienté à la faculté de médecine, de pharmacie et d’odontostomatologie où j’ai fait ma formation. A l’époque, on avait déjà commencé à avoir des problèmes d’emploi. Certains d’entre nous sont allés travailler en Mauritanie. C’est vers le milieu des années 90 que la plupart des pharmaciens de ma génération ont été autorisés à ouvrir des officines. Personnellement, je me suis installé en 1997. 

Vous avez été président de l’Ordre pendant 8 ans. Quelles ont été vos plus belles réalisations ?

La loi a attribué à l’Ordre des pharmaciens des missions précises : assurer le respect par les pharmaciens des devoirs professionnels, défendre l’honneur et l’indépendance de la profession et la représenter. Pour l’essentiel, chaque équipe poursuit l’œuvre de ces prédécesseurs. Tous les conseillers de l’ordre participent à la réalisation de ces missions. A côté de celles-ci, l’Ordre mène des actions pour faciliter aux pharmaciens l’exercice de leur profession, par des partenariats, l’élaboration d’outils comme les guides de bonnes pratiques, par exemple. Il n’y a pas de réalisations personnelles. Tout ce qui a été fait de positif est à l’actif des vingt-et-un conseillers de l’Ordre, de son personnel et des autres pharmaciens qui sont venus en appui.

Gérer une officine de pharmacie et être président de l’Ordre est-ce une tâche vraiment aisée ?

C’est très difficile mais j’avoue que cela été un peu plus facile pour moi que pour mon prédécesseur. Le président Mamadou Ndiadé habitait à 700 km de Dakar, plus précisément à Ourossogui. Les présidents Moussa Sène, El Hadj Malick Diop et Ndiaye Sall, entres autres, venaient de Thiès et de Diourbel. L’actuel président, Dr Amath Niang, est installé à Diourbel. C’est la gestion du temps qui est extrêmement difficile. L’Ordre vous sollicite 24h/24 et tous les jours de la semaine. Je me rendais au siège de l’Ordre tous les matins et les après-midis j’étais dans mon officine. Nous avions, heureusement, un peu plus de moyens que lors des mandats précédents. Les ordres professionnels sont des institutions étatiques mais l’Etat refuse de les aider en leur opposant leur autonomie. Pourtant, il soutient des associations, des syndicats, voire même des entreprises privées.

Quelle appréciation faites-vous de la lutte syndicale dans le monde de la pharmacie au Sénégal ?

Une appréciation très positive. Nous avons besoin d’un syndicat pour défendre les intérêts des pharmaciens.

La douane a effectué une importante saisie de médicaments ces derniers temps. Quelle appréciation en faites-vous ?

Les services de sécurité (douane, gendarmerie, police et service d’hygiène) font régulièrement de grosses saisies de faux médicaments. Cela montre l’ampleur du mal. Les moyens pour lutter contre ce fléau devraient être à la hauteur de ce mal et de ses conséquences sanitaires, sociales et économiques.

Le mal est profond, que peut-on faire pour éradiquer ce fléau ?

L’Etat prétend avoir la volonté de lutter contre ce fléau mais cela n’est pas toujours suivi d’actions concertées, planifiées et durables. En commençant par adapter la législation. Il faut aussi continuer les efforts pour rendre la santé accessible, notamment par la couverture sanitaire universelle. La sensibilisation des populations doit être permanente. Elles doivent savoir que tout produit de santé distribué hors du circuit légal n’est pas sûr. Enfin, il faut traquer les délinquants, j’allais dire les criminels, sans relâche. Ils ne doivent plus se sentir impunis ou protégés. C’est un combat de tous les professionnels de santé mais aussi de la société civile.

Récemment on a assisté à une hausse vertigineuse de certains médicaments. Qu’est ce qui devrait être fait pour régler définitivement ce problème ?

On ne peut pas avoir dans un État des administrations qui ont chacune sa propre « législation ». Pour être distribué au Sénégal un médicament doit avoir une AMM (autorisation de mise sur le marché) qui, en même temps, fixe son prix. La Douane conteste à des produits qui ont pourtant une AMM leur caractère de médicaments. Les administrations concernées, les professionnels de santé et les universitaires devraient donc passer en revue cette liste litigieuse et, en fonction du profil épidémiologique de notre pays, s’accorder sur ce qui est médicament et ce qui est complément nutritionnel.

La lancinante question du problème de l’insertion des jeunes pharmaciens est encore d’actualité avec l’association des jeunes pharmaciens qui réclame de nouvelles créations. Qu’en pensez-vous ? 

Ce problème a commencé au milieu des années ‘80. Il s’était même créé un Regroupement des médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes chômeurs (RMPDC). Cette association réclamait le recrutement des diplômés dans la fonction publique, l’attribution de bourses de spécialisation et le financement des installations dans le privé.  Les critères de création d’officines ont aussi été régulièrement assouplis. Pour la mise en application de l’arrêté sur l’assistanat, l’Ordre des pharmaciens et le Syndicat des pharmaciens privés ont élaboré des modèles de contrats avec des salaires minimums. Mais tout cela se révèle insuffisant et nos jeunes confrères ont raison de se faire entendre. Tout le monde (l’Etat, la profession phar­ma­ceutique, l’Université, les jeunes diplômés) doit travailler à la recherche de solutions : adaptation des formations, spécialisations, recrutement dans la fonction publique, recherche de nouveaux débouchés, promotion de toutes les filières, …La création d’officines doit être exclusivement réservée aux jeunes diplômés. Ceux qui ont déjà eu leur chance ou qui ont fait une longue carrière ailleurs ne doivent plus disputer la place aux primo demandeurs.  On doit aussi mieux préparer les jeunes à affronter le marché de l’emploi. La profession (Ordre des pharmaciens, Syndicat des pharmaciens et/ou Union des jeunes pharmaciens) pourrait, par exemple, organiser des séminaires dans ce sens au profit des étudiants en fin de formation.

L’avenir de la profession.

Il est entre les mains des jeunes ; il faudra bien les former, les sensibiliser, les aider et leur montrer le chemin. Je ne dirai pas que l’avenir est sombre mais beaucoup de choses sont à parfaire. La pratique aussi va beaucoup évoluer. Comme ailleurs, de nouvelles missions pourraient être confiées aux pharmaciens. Il faudra les y former et les habiliter et, comme pour tout le reste, veiller à leur exercice dans des conditions satisfaisantes, avec des outils et du matériel de qualité.

Que pensez-vous de Médical Actu ?

C’est très bien ! Mais le problème qu’on a avec ce type de magazines, c’est de les pérenniser. Tous les pharmaciens doivent y contribuer par l’abonnement et la production d’articles. On a suffisamment de compétences dans les professions médicales pour y arriver. Il faudrait aussi voir avec l’Ordre des pharmaciens et le Syndicat des pharmaciens privés (qui ont des besoins en matière de communication) s’ils ne voudraient pas avoir des pages dans Médical actu. En tous les cas, je vous encourage pour cette belle initiative.

Des anecdotes à raconter 

Une qui me vient à l’esprit et qui a été aussi très pénible pour moi. Il s’agit d’un pharmacien dont j’avais demandé la traduction en chambre de discipline. Il avait fait appel de la sanction prononcée en première instance. La chambre de recours a maintenu la sanction. Il est sorti de là en pleurs. J’ai dû le garder pendant deux heures dans un bureau pour le réconforter et le calmer. Je ne voulais pas que les autres le voient dans cet état.

Avant cet épisode, certains d’entre nous militaient pour que la procédure devant les chambres de discipline et les sanctions soient publiques. Nous nous basions sur une phrase du serment de Galien : « Que je sois couvert d’opprobre et méprisé de mes confrères si j’y ⦋mes promesses⦌ manque. » Cet événement m’a fait changer d’avis. Je trouve le secret entourant le travail des chambres de discipline pertinent. La simple notification à un pharmacien d’une demande de sanction disciplinaire est accablante. Dès cette première étape de la procédure, on regrette déjà le comportement décrié. Le jugement par les pairs est, en effet, redoutable et redouté.

AÏSSATOU DIOP

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